mardi 31 janvier 2012

Express de jazz de bourges de… (il est toujours bon d'avoir trois particules!) Tome II



Allez, ouste, on achève cet épluchage du Orsay Rit/Ex Presse. On n'a paxa à faire, quoi!

Que dire sur les quatre pages dévolues au jazz vocal dans cet Expressojazzobobo ? Le jazz vocal — surtout féminin — est le seul gros vendeur de cette musique de niche qu’est le jazz. Alors 6 voix (dont 5 femmes !) présentées comme les « nouvelles voix du jazz », c’est bon pour les affaires, mais ça ne peut être qu’un choix arbitraire.
Passage en revue sans entrer dans le détail, donc : Gretchen Parlato, la savonnette sophistiquée à la dernière mode, se vend bien question image. Quand on l’entend chanter certains (votre serviteur, entre autres) déchantent. L’avenir tranchera. Cassandra Wilson : nouvelle ? Ah bon ? Pas plus que Dianne Reeves ou Nnenna Freelon en tout cas. Alors que fait cette quinqua dans ce lot-là ? Le Cohérence Express a raté une gare, apparemment. Deux Blanches US, deux Blacks US & une Asiatique (Youn Sun Nah : irréprochable), c’est gravement oecuménique, Brother ! Mais y’a donc pas de chanteurs/euses en Europe ? M’est avis (sauf erreur eu d’ma part et sauf vot’ respect, Messieurs de l’ex-presse) que c’est plutôt là qu’on trouve de NOUVELLES voix : Jeanne Added, Fay Claassen, Sidsel Endresen, Cristina Zavalloni, Elise Caron, Susi Hyldgaard, Jeanette Lindström, Maria-Pia De Vito, Claudia Solal, Susanne Abbuehl (j’ai volontairement mêlé les âges, comme vous mes seigneurs, et je ne vais pas jusqu’à Norma Winstone ou Urszula Dudziak)… sans compter cette petite merveille franco-américaine qui n’a pas encore enregistré : Cécile McLorin-Salvant ! Prendre des risques, Messieurs les ex-précieux (et le faire exprès, rien que pour faire découvrir au public des valeurs montantes) n’est-ce pas l’essence du jazz, que vous prétendez présenter. 
Hors série ? Je me marre ! Serial formatage, plutôt, bien dans les rails et lisse et beau.
La Jeanne (on dit bien "la Caballé")

La Cécile (on dit bien la Callas)
Bien sûr les plus avisés de mes lecteurs (toi, Esteban, toi Gudrun…) auront remarqué que j’ai omis les chanteurs européens. C’est pour mieux vous en livrer une pleine bottelée illico : David Linx, Gabor Winand, Thierry Péala, Ian Shaw, Michael Schieffel, Grzegorz Karnas… 
A vous de gougueuler sur eux !

Ach, la Frantz, maintenant (aka fuckin’ right now) ! Deux pages, deux photos : ein Zoloist (Pierrick Pedron — que lui joue le Alt-Sax in E moll) und ein Orkester (le MegaOctet d’Andy Emler — que lui être fantastisch, ja, ja !) en vitrine… et un contenu d’article qui passe de façon si ex-presse sur cette  « tendance » de la « jazz actu », et avec tant de wagons de poncifs et d’approximations à la traîne qu’on en reste rêveur. 
Titre : « Les Français décomplexés ». Je cite : « … A l’heure de la mondialisation, le jazz en France ne se résume pas au jazz français … » Ja, ja, ça être bokoù véritable, mais ça n’a rien de nouveau, ni en France ni ailleurs. Au cours des fifties/sixties Ben Webster, Kenny Clarke, Sydney Bechet, Red Mitchell, Dexter Gordon, Bud Powell, Chet Baker, George Russell, Gato Barbieri, Don Cherry, Dollar Brand, Ed Thigpen, Okay Temiz, Chris McGregor (é Jean Pass ed Aimé Yeur) vivaient à Paris, Copenhague, Londres, Stockholm, Amsterdam, Rome, Oslo… Okour D. Seventies, ils seront suivis par L’Art Ensemble of Chicago, Anthony Braxton, Steve Lacy, Charlie Mariano, Phil Woods, Mal Waldron, Art Farmer, Johnny Griffin, Eric Watson, Steve Potts, John Betsch, Ronnie-Lynn Patterson, Nelson Veras… tandis que les USA voyaient arriver — après George Shaering, Victor Felman (UK) ou Bernard Peiffer (F) — John McLaughlin, Dave Holland (UK), Joe Zawinul (A), Jiri Mraz, Miroslav Vitous (CZ), Joachim Kühn (D), Jean-Luc Ponty (F)… bientôt suivis par Michel Petrucciani, François Moutin, Laurent Coq, Etché Terra, tandis que Marc Ducret (qui joue et enregistre par ailleurs aux States avec Tim Berne ou Bobby Previte) quittait Paris pour CPH et qu’Hasse Poulsen (qui joue entre autres en France avec un sax allemand et un batteur français au sein de Das Kapital, le trio qui troue l’cul) déménageait de CPH au Lilas. 
Profitant de ce remue-ménage, Bojan Z, Akosh S, Gabor Gado, Emil Spanyi, Joe Qitzke, Gueorgui Kornazov et tout un wagon de Slaves venaient s’installer sans tapage à Paname, Omar Sosa posait ses valises à Barcelone, Kurt Rosenwinkel à Berlin, Jean-Jacques Elangué revenait du Cameroun à Paris où vivaient déjà Brice Wassy, Paco Séry, Richard Bona, Hervé Samb… 
George Shearing




Little Giant

Omar
Nelson
Hasse


Akosh


 Justement, zarbi autant qu'étrange en diable : pas un mot sur les Africains du jazz dans cet Expresso molto ristretto, à part une pub — payante donc — pour un concert de Manu Dibango ! Ah si : deux lignes sur le Béninois Lionel Loueke, uniquement présenté comme sideman de Terence Blanchard et d’Herbie Hancock alors qu’il dirige ses propres groupes et se trouve être le premier artiste africain signé par le label Blue Note depuis 1939 ! 
Jean-Jacques Elangué & Tom McClung
Sawadu: Hervé Samb/Hubert Dupont/Brice Wassy
Par contre, dans un papier intitulé « Le jazz à l’heure de la mondialisation », figure en bonne place une photo de la fratrie Cohen, nommés un à un ainsi qu’Avishai Cohen (le bassiste/pianiste/chanteur) — sans lien de parenté, mais Israélien lui aussi. 
…ou mondialise à Sion?

Cherchez l’erreur : on parle bien de jazz ? D’une musique inventée à l’origine par des descendants d’esclaves Noirs venus d’Afrique, c’est bien ça ? Et pas un seul jazzman issu du continent Africain n’est cité tandis qu’on en mentionne quatre venus d’un pays d’à peine 8 M d’habitants,  une nation plus jeune que le bop, et dont la contribution à l’histoire et à l’actualité du jazz se réduit en gros à une poignée de cacahuètes casher ? 

« Boss, me conseillent mes sbires Marco et Paulo, calmez-vous ! Si le lobby sioniste est derrière tout ça on pourra pas assurer votre protection, vous savez. Regardez : y’z’ont déjà quasiment interdit de séjour Gilad Atzmon, qui joue presque jamais en France parce qu'il est pro-palestinien… ». Ces p’tits gars sont sagaces et leur fidélité comme leur attachement à ma personne me confondent. Ils ont raison, palsembleu, tabernacle et saperlipopette : face aux moyens des services secrets d’un état qui traite les Palestiniens comme du bétail, tous deux ne font pas le poids et moi-même je ne pèse pas lourd, même après les excès de fin d’année, la vérité si j’mens. Restes-en donc là, EmGé, torah pâle derniers maux. Et ajoute voir Gilad Atzmon à ta liste des vaillants immigrés (il vit à Londres et enregistre sur Enja, un label allemand) qui depuis des décennies enjambent les frontières, butinent à tout va et fécondent le jazz international tels de foutues abeilles… ce que devrait savoir la rédaction d’un hors ces ris où émarge un ancien… douanier !
Gilad Atzmon: www.gilad.co.uk/
Je laisse mon vieux pote Yessy Ndid conclure sur ce sujet : « La közmåpølitismùs, lui êtrrre tendanz lourde de la jâze dépuich trrré bokoù lontààn, niet ? » Tu l’as dit, mon vieux pote, yes indeed !

Mais la vraie conclusion, la voici : chaque fois qu’on prétend faire accéder un large lectorat à un art de niche (le jazz en l’occurrence : +/- 2% du marché du skeud), au lieu d’initier le lecteur en l’élevant vers une meilleure connaissance de cet art (à laquelle il est censé aspirer), c’est au contraire cet art qu’on avilit à coups de clichés éculés pour le faire entrer de force dans les critères étriqués de « la grande (ex-)presse ».
Rien de nouveau sous le soleil, donc. Et c’est même pire par temps nuageux, pardi !

Voici quelques années, sur une chaîne publique vers 23h-cinquante-douze, Laura De L’Air — ex-maîtresse de Mitterrand et cheftaine du Cercle Demi Nuit — coupait la parole à un éminent jazzman alors qu’il faisait un parallèle lumineux entre jazz classique et moderne (d’un côté) et peinture figurative et peinture abstraite (de l’autre). La réplique de l’hôtesse De L’Air  (vous la sentiez venir, avouez !) : « Oui mais alors là, les téléspectateurs ne vous comprennent plus ! » Oh yes? Les téléspectateurs du Cercle de Minuit ? Encore devant leur poste de télé ‘round about midnight, par un choix délibéré de leur faculté d’entendement (et peut-être avec le soutien de quelques substances stimulantes plus ou moins légales) ?
   Mais ce-la-ne-nous-re-gar-de-pas.
   Tout à fait, mon cher Thierry, le fait que ces téléspectateurs noctambules prennent éventuellement de la coke ne-nous-re-gar-de-pas).
Dans le cadre d’une émission post-post-post-prime time consacrée au jazz ?
Dis, t’as appris quoi dans le pieu de Tonton, Laura D’Lair ? Hein, dis ? 

Ben c’est kif kif si on revient à nos moutons tondus express, coupe tendance jazz.
Alors que Vi Bi (le rédac’ chef de ce Orsay Riz) avait voici peu magistralement organisé à La Villette une expo Miles au cours de laquelle néophytes et connaisseurs se régalaient de conserve, lui, Al Di et leurs potes se sont cette fois-ci emmêlé les pinceaux dans le paillasson rugueux d’un grand hebdo national. Certains diront qu’Al Di c’est toujours mieux que Norma. Sûr, mais comparé à Lee d’Aile et à Lee d’Airpraïce (qui, eux, ont des particules)…

On comprendra que, dans ces conditions, EmGé renonce à éplucher davantage un « Spécial Jazz » gouverné par « le souverain poncif ».
A sauver dans tout ça : un sélection de disques copieuse, sinon originale (mais on est dans l’initiation, donc…), quelques « stories » sur les figures tutélaires (Armstrong, Ellington, Miles…) comme on en lit un peu partout, quelques photos vintage bien choisies, & Chet & (Sun) Ra .

Et pour terminer, en guise de bêtisier, un petit exercice à partir de la page politiquement correcte de ce Horse & Ris, dévolue comme il se doit à la minorité féminine dans le jâze.


Un ténor, un profil avantageux, des talons hauts, des bretelles, des cheveux longs, un décolleté discret et un sourire de Joconde + une brève légende : « le jazz se féminise » : voilà qui permet de se passer d’un topo sur la musicienne, ses influences, ses choix stylistiques, son jeu.
Pauvre icône, si tu croyais être traitée comme un homme !

I Questions :
1)    De quel sexe est l’auteur de l’article illustré par cette photo ?
2)    De quel sexe est le public-cible dudit article (et de la photo) ?

II Commentaire :
Vous analyserez la phrase suivante, extraite de l’article d’Al Di : « Au passage, il faut rendre hommage aux chanteuses qui maintiennent la tête hors de l’eau au marché du jazz : elles en sont la bannière crédible pour le grand public ».
Votre réflexion pourra s’orienter vers
1)    La part de responsabilité des chanteuses dans leur présence sur scène, en tête de gondole et dans les médias par rapport à la part de responsabilité des producteurs, agents artistiques, journalistes amateurs de blondinettes, programmateurs…
2)    La pertinence de la notion de « crédibilité », concernant une musique qui a fait le tour du monde en un siècle ainsi que la pertinence de la notion de  goûts du « grand public ».

(Pour votre commentaire, vous tiendrez compte du fait que, dans le contexte des années 2010, ce « grand public » est plus que jamais gavé de pub, de télé, de blockbusters, et autres merdes.
      Vous n’oublierez pas non plus que dans les années 1940 le « grand public » préférait Harry    
      James à Duke Ellington et à Count Basie.)

dimanche 29 janvier 2012

Express de jazz de bourges de… (il est toujours bon d'avoir trois particules!)


Votre dévoué EmGé l’avoue : il ne lit plus la presse, ne possède pas de télé depuis près de 40 ans et sa radio ayant rendu l’âme au cours d’un déménagement il y a un lustre, il ne l’a pas remplacée depuis. Quoi ? Le brillant EmGé qui nous ravit de ses saillies, qui nous parle du jazz en Corée (tûjûrs), des charmes du swing italien, et vitupère le microcosme parisien ! Ce même Max Granvil qu’on déteste ou qu’on adore vit en bête brute loin des autoroutes de l’information? Quand il ouvre son laptop, il ne se rue point sur les liens people que propose à gogo le remarquable portail Orange, vitrine des serveurs à la française ? Il ne s’intéresse pas à l’angle d’inclinaison d'un bateau-hôtel échoué en Méditerranée, ni au dernier lifting de XX ou XY ? Ben non : rien à battre, il s’en tape et même peu lui en chaut — si vous voulez tout savoir. 


Et ce non sans raisons : depuis l’élection de N. S. (Non Sens, Nain Speedé… à vous de choisir) EmGé a vu la soi-disant « grande presse » sombrer dans le sordide, s’intéressant davantage à Cécilia qu’au Burkina, puis à la grossesse de Bruni qu’au quotidien des sans-abris. EmGé est un grand sensible (derrière ses airs de brute épaisse que personne ne souhaiterait rencontrer seul à seul et non armé, par une nuit froide et sans lune, dans le couloir désert d’un immeuble désaffecté du Bronx. Que même que si la nuit elle est chaude ou tiède, ça fout les jetons pareil, mon frère. Et ma sœur encore pire, ch’te jure sur le Coran). Cette exquise sensibilité — qui fait de lui un homme du monde dont la compagnie affable et le discours raffiné sont recherchés dans tous les 10 nés en ville — a poussé EmGé à prendre ses distances avec ces organes de presse dont la fonction ultime est, on le sait, d’emballer le poisson à plus ou moins longue échéance. Et il s’en porte comme un charme, glanant ici ou là au hasard et sans l’avoir cherché telle ou telle info datant de quelques mois… et constatant non seulement qu’il s’en est fort bien passé jusqu’alors, mais en plus qu’il n’a rien raté. 
Car il se passe tant de choses en ce bas monde (tenez, à l’instant, une voiture vient de passer dans ma rue : étonoff, niet ? Qui me dit si une autre ne fera pas de même — et, qui sait, en sens inverse — d’ici peu ? Face à ce suspense intolérable, comprenez que la crise de l’€ me laisse indifférent) et les média en rendent compte de façon si parcellaire et répétitive… Bref : entre marronniers (« Le pouvoir des Francs-Maçons » ; « Pour qui votent les cathos ? » … ; vraies-fausses révélations (« Fillon : rumeurs de cancer du fion» ; « Bi, Hollande ? Enquête à Bioland » … ; et séquences nostalgie : « Clo-Clo : X ans déjà » ; « Amy Winehouse : X mois déjà »… EmGé a trouvé bon d’arrêter les frais et de boycotter le papier imprimé. 

Mais… Mais ?…


Mais on peut toujours tomber sur un canard qui traîne quèqu’ part loin de sa mare. Et c’est pile poil ce qui est arrivé à votre EmGé, découvrant fin janvier un Express-Hors-Série-avec-Classica daté d’octobre-novembre et consacré à … accrochez vos ceintures : Un siècle de jazz. Pas moins. 
Voilà qui a dû aider moult ménagère ou père de famille à remplir son panier de Noël pour couvrir son Doudou, sa Mimine, son/sa fistounet/te ou un(e) lointain(e) cousin(e) — allez je vous balance un alexandrin (je sais que vous en raffolez) — de cadeaux enjazzés swinguants et syncopés.
      —« Mais z’y connaissent rien en jazz à l’Express, patron », me suggère Paulo (qu’est loin d’êt’ con, tu sais, Marco) à ma droite en m’allumant un puro dominicain.
   T’inquiète Paulo, y z’ont sous-traité. Que même que j’te parie qu’c’est avec ces caves de Jazz News, ex-So Jazz, ex-Jazzman (tendance Al Di) qu’y z’ont dealé. Tête de ma reum.
Marco, à ma droite feuillette la revue :
   Z’avez raison, chef, z’avez l’nez chef (comment fait-on pour dev’nir chef, chef ?) : y z’y sont quasi tous. Al Di, Vi Bi, Al Tee, Jo Dee-Haie, Ar Em… y’a même un commandeur Désert Zèle Âtre, vous savez : Pie "Hank" Till .
      —   Bon, les gars, s’agit maintenant d’éplucher le contenu de c’foutu canard, histoire de voir c’qu’il a dans l’ventre, sacré bon soir.
   A vos ordres, boss : c’est, comme qui dirait, comme si c’était fait.
   Et, secondé par mes fidèles sbires qui se feraient perforer le kayak pour me permettre de terminer en paix mon excellent cigare, on commence par la fin, histoire de dérouter les espions japonais. 
     Ah, ah : la tournée des clubs! Un p’tit tour en Europe (Paris, Amsterdam, Barcelone, Copenhague, Londres, Vienne… et NYC). Bon, si on veut, mais le tourisme bourgeois qu’on nous propose là ne me satisfait guère et me semble bien plat. A Paris (du moins en périphérie) y’a Le Triton (aux Lilas) et La Dynamo (à Pantin) qui sont souvent autrement passionnants que la sempiternelle Rue des Lombards avec ses gentils concerts de sorties de disques, ses répétitifs « hommages à X ou Y » et ses Américains de passage jetlagués à donf ou en fin de tournée.  Et je ne parle même pas de lieux aléatoires voire sporadiques (mais hautement populaires) comme l'Olympic Café, Le studio de l'Ermitage, la Java… A Londres, on nous signale le Pizza Express (BCBG, et en plein centre) alors que le Vortex, plus excentré, est largement plus passionnant et que son patron Oliver Weindling est également l'initiateur de l'excellent Babel Label, qui rassemble la fine fleur du jeune jazz d'outre-Manche ("Carry on Ollie, my man man!"). A Copenhague, la Copenhagen Jazz House est incomparablement plus stimulante que la JazzHus Montmartre récemment réouverte, et qui donne dans la nostalgie de sa haute époque. Et pas un seul club à Berlin, où la scène jazz est foisonnante ? Ni à Rome ? Ni à Genève ? La séance d’élagage a dû être épique en conf’ de rédac’ ! Epique ou… express ! 
      Quant à NYC, le Village Vanguard est certes « un mythe », mais la vraie vie  du jazz new-yorkais c’est au moins autant au Tonic, au Birdland, au Jazz Standard, au Cornelia Street Café, etc. (et souvent plus à Brooklyn qu’à Manhattan) qu’elle se passe. 
     Une ville/un club (et trois pour Paris dans la même rue): un peu réducteur, non? 
— Juste normal pour la presse-magazine, patron. Z'avez perdu l'contact me sussurent mes sbires en mâchouillant leurs mégots de havanes (eux préfèrent les cubains, moi les dominicains). Et les bougres ont raison!
   Bon patron, on continue : vous vous chauffez la bile pour des prunes, là, sauf vot’ respect.
   T’as raison, Marco : tourne donc voir la page. Les festivals français ? On passe : y’en a tellement que ça ne peut qu’être subjectif. 
      Les labels maintenant, en une page, hormis ECM  présenté comme LE modèle et qui a droit à trois pages un peu plus loin (rappelez-vous qu'on feuillette à l'envers, comme le Coran mon frère) — dont une photo du producteur Manfred Eicher qui, sur papier glacé comme dans la vie, tire toujours la tronche d’un gars qui vient d’enterrer sa mère. 


      Ben là, lecteurs aimés (toi, Jonathan, toi Alex, toi Vincent, toi Pascal, toi Arnaud…), les bras m’en tombent. Que même que si Paulo et Marco ne me les refixaient fissa aux épaules, je serais contraint d’écrire ce papier avec le nez ou le menton sur mon MacBook préféré. Les bras m’en tombent car ECM, c’est vraiment LE cliché du jazz classieux depuis des décennies. Le label auquel quasi tout musicien rêve d’accéder (Tim Berne, tout récemment, alors qu’il avait créé son propre label, Screwgun, — tu comprends, my friend, la distribution internationale, ça n’se r’fuse point.), mais le label qui ne découvre quasiment plus personne, qui ne met plus le pied à l’étrier à aucun jeune musicien. Bref le label de la sécurité bourgeoise et du confort Roch & Bobo des studios classieux d’Oslo à la légendaire réverb (laquelle a pour effet que, sur scène, un groupe ECM sonne si différemment du disque qu’on le reconnaît à peine). 
      Alors chapeau à ECM pour sa légendaire saga, soit. Mais choisir ce label comme emblème, en 2011, l’année des 40 ans d’ENJA, son voisin munichois, qui n’est de son côté pas cité UNE fois !? En 2012 ce sont les 20 ans d’ACT, autre label de Munich, qu'on fête. L'actualité ne manquait donc pas. Or Vi Bi réduit ce troisième label allemand au fait qu’il est « tourné vers la scène scandinave » — Ja ? Wirklich ? Bist du davon sicher, Mensch? On compte chez ACT une dizaine de disques de Nguyên Lê (qui vient de recevoir le prix Django Reinhardt de l’Académie du Jazz), les derniers skeuds de Céline Bonacina, Youn Sun Nah ou Pierrick Pedron, quelques David Binney, Yaron Herman, Vijay Iyer, Joachim Kühn, Heinz Sauer plus… une bonne moitié de la jeune scène allemande (Der Rote Bereich, [em], Mathias Schriefl, Knut Rössler, Michael Schiefel, Michael Wollny…) sans parler des deux Jazzpaña de Vince Mendoza. Päs trøp skåndinav tout ça, nej?



Quant à ENJA, ce serait une insulte aux lecteurs de Blog de Garenne que de leur rappeler les noms des musiciens auxquels son producteur, Matthias Winckelmann, a donné une visibilité. 
Matthias Winckelmann arborant la pochette d'un LP de Slickaphonicks (Ray Anderson, Mark Helias…)
Signalons tout de même que parmi eux figure une bottelée de jazzmen Français (alors que — je le disais dans ces colonnes il y a peu — aucun musicien allemand n’est signé sur un label français) : Renaud Garcia-Fons, Michel Godard, Vincent Courtois, Bernard Struber… et la magnifique altiste polonaise Angelika Niescier, dont le dernier CD est pour moi une des révélations de 2011.

  
La suite de cet épluchage très bientôt. Eplucher, ça épuise, surtout si on a perdu la main.








mardi 24 janvier 2012

Transes alpines III

Bon alors, Max Granvil, tu le fais péter ton "Transes alpines III", 
  
Pouvait-on lire ce matin sur le placard cloué au portail monumental de ma demeure ligérienne, que j'évoquais ici même voici peu. De toute évidence, quelqu’un s’était introduit nuitamment sur les terres du clan EmGé, dont je suis le patriarche vénéré. 


Au mépris des lois les plus élémentaires sur la propriété privée des biens immobiliers, cet individu — dont je ne puis imaginer qu’il soit Français à 100%, car toutd’mêmequandmême, non ? — s’est immergé dans les douves dudit château qu’il a sans doute traversées d’une brasse indienne silencieuse et puissante, laissant jouer les muscles de ses bras sous les reflets d’une lune rousse… (vous m’arrêtez quand vous avez votre dose, hein?) pour venir apposer le billet susmentionné (encore humide de sa baignade) sur le portail précité. Le malotru ne manque pas d’air, mais sa menace a porté puisque — le titre de la présente page vous l’indique — je me couche incontinent, j’obéis, j’obtempère. 



Il faut dire que certains signes annonciateurs m’avaient fait prendre vaguement conscience du fait que certains lecteurs de Blog de Garenne, accros à mes « Transes alpines » (dont diverses versions apocryphes circulent sous le manteau et sur la toile, paraît-il) n’allaient pas tarder à me faire payer la siestomanie qui les sevrait de la sweet et faim de leur feuilleton préféré. 
Ainsi, pas plus tard qu’hier, passant dire bonjour à un de mes employeurs illégaux dont je ne révélerai pas le nom par peur du fisc, n’ai-je pas vu son chat Siegmund me sauter au visage toutes griffes dehors et me dire : « EmGé, ça suffit tes conneries. Si t’envoies pas fissa le « Transes alpines III », on te fera la peau, mon gars tu verras ça !» Et d’ajouter dans un murmure quasi inaudible mais d’autant plus menaçant : « Un groupe de lecteurs de BdG s’est constitué en association loi 1901. Leur trésorier parcourt Paris, les poches pleines de flouze en petites coupures, à la recherche de tueurs serbes qui te troueront l’épiderme d’ici peu si tu persistes dans tes atermoiements, tergiversations et autres manoeuvres dilatoires qui ne trompent personne, foutue feignasse. » 


Quand je sortis de chez mon boss au noir il faisait sombre et ma jovialité naturelle avait baissé d’un cran. D’autant que, sur le chemin menant au parking où j’avais garé ma Lamborghini, j’entendis des murmures indistincts parmi lesquels on percevait des bribes de phrases du style « y’en a ras l’b… », « ça commence à bien f… », « EmGé, fripouille, le peuple aura tes… ».
Les deux chenapans que j’aperçus de loin, accroupis près de mon véhicule, détalèrent à la vue de ma carcasse patibulaire et de mon visage couvert de sparadrap (Siegmund et ses griffes, vous vous souvenez ? J’en vois qui ne suivent pas là-bas au fond !). Mais le canif rouillé et les billets épars qu’ils oublièrent en s’enfuyant ne laissaient aucun doute : on les avait payés pour crever mes pneus bien aimés.
Pourtant, une fois installé dans l’habitacle luxueux de mon bolide, volant gainé de cuir en main et autoradio à fond, j’oubliai tout cela au rythme chaloupé du « Ya Ya » de ce bon vieux Lit d’Orsay.


Ce matin, en revanche, impossible d’ignorer plus longtemps la menace. En conséquence, lesté d’un doppio espresso ristretto qui devrait m’empêcher de m’assoupir, je m’atèlalatâch et m’assieds à ma table pour taper le troisième épisode de (Yes indeed, Ladies & Gentlemen,  vous l’attendiez impatiemment depuis plusieurs jours. Vous l’avez tous reconnu : plizgivabigroundofapplausetozeone&only) « Transes alpines III » — et tout ça, je me permets de vous le rappeler, pour toi, lecteur aimé (oui, toi Barnabé & toi Mireille ; toi Sven-åke & toi Rigmor ; toi Maria de las Mercedes & toi Juan Miguel Angel y Paco ; toi petit pèrrre Piotrrr Andrrreïevitch & toi petite mèrrre Irrrinouschka Grrrigorrrievna, et tous vos potes…).

Voici donc enfin Enrico Rava et les Transes alpines III : chose promite, chose dute !
D’abord un conseil : si vous ne parlez pas l’italien, apprenez-le ! Enrico Rava vient en effet de publier ses mémoires chez l’éditeur Feltrinelli, et qui sait quand ils seront traduits en français ? Si vous voulez lire la langue goûteuse du Maestro (c’est lui-même qui écrit), y retrouver un peu de son phrasé de raconteur d’histoires, lyrique et plein d’humour, croiser Bix Beiderbecke et Fausto Coppi, la Mamma et Gato Barbieri et touty kwanty, vous balader à Turin, New York ou Buenos Aires — et tout ça fuckin’ right now —, c’est en italien qu’il faut le faire car comme la pasta al dente : un récit de Rava, ça n’attend pas.

Au Sunside, Rue des Lombards, début janvier, lui et ses ragazzi ont donné six concerts en trois soirs quasiment à guichets fermés. Je n’étais pas là tous les soirs, certes, mais ayant vu le même quintet trois fois en autant de mois voici deux ans sur des scènes de festivals européens, j’étais curieux de les entendre en contexte plus intime. Ils y créent la même atmosphère de musicalité naturelle, conviviale et recueillie que dans les salles ou lieux en plein air auxquels ils ont l’art de conférer l’intimité et la proximité avec le public que l’on trouve dans les meilleurs clubs de jazz. Dire qu’ils ont, par contraste et comme par magie, repoussé les murs exigus du Sunside serait exagéré. Mais l’idée y était. Come lo fanno, questo ? Comment font-ils ça ? Ecoutez : c’est tout simple. Ils forment, par le regard et la position des corps dans l’espace scénique, un GROUPE uni comme les doigts de la main (lesquels, chez moi en tout cas, se trouvent être également cinq — du moins quand je suis à jeun comme à présent). Quand l’un d’entre eux prend un chorus, ceux qui ne jouent pas ne partent pas fumer une clope en coulisse, ne bavassent pas entre eux comme de vulgaires Marsalis & co., ne donnent pas l’impression de se faire chier… Non : ils se calent dans une position confortable (appuyés au piano, accroupis, etc.) et le regardent avec une bienveillance appréciative et une intensité qui contraint le soliste à se surpasser sans pouvoir faire le mariole. Et ce cercle rapproché de tifosi/collègues devient une sorte de microcosme dont la qualité d’attention se diffuse dans le public proprement dit. Ce second cercle ou macrocosme a payé sa place mais, dans d’autres circonstances, son écoute est parfois distraite, bavarde, intermittente, dubitative (« Est-ce que je dois faire semblant d’apprécier pour ne pas avoir l’air con(ne) ou est-ce que je m’autorise à afficher que je m’emmerde et que je ne comprends rien à cette foutue musique de jazz que mes cop(a)in(e)s m’ont emmené voir ? »). Avec le Quintetto del Maestrone Rava, non c’è questo problema : impossible de rester indifférent. Ces mecs sont tellement jusqu’au cou dans la musique — et ce sans le moindre effet de manche, ritalerie exhibitionniste à la Bollani ou gimmickmatuvuàlamormoil’ — qu’ils vous y plongent itou et que le néophyte se trouve embarqué dans une sorte de pédagogie vivace de l’interaction et de l’improvisation jazzistiques.
Ces musiciens sont avant tout (scusate se mi ripetto) des tifosi. Des « amateurs » au sens noble et premier, des fans. Le jazz est pour eux comme la course automobile, le foot ou le Tour de France. Ils  sont les premiers à prendre leur pied et à apprécier telle trouvaille, telle inflexion du ragazzo qui souffle dans son biniou, martèle sa batterie ou ses 88 touches, pétrit les cordes de sa contrebasse derrière eux, devant eux, à leurs côtés. Comment de telles ondes positives, une telle qualité d’écoute réciproque, une telle générosité ne se répandraient-elles pas dans la salle, dans le club, bref dans tout espace à taille HUMAINE où jouent ces gens ? 
Si vous voulez convaincre votre rejeton(ne), nièce ou neveu, filleul(le) ou autre djeunz décervelé que la bonne musique vivante ne se pratique pas dans les stades ou autres espaces plus propres à accueillir les foules sportives, staliniennes, nord-coréennes, bruyantes et enrégimentées, emmenez-les voir et entendre le quintet d’Enrico Rava. Sans prise de tête, sans arrogance et — évidemment — sans partitions, ils leur donneront une magistrale et inoubliable leçon de MUSIQUE.


Mais je sens la fatigue et j’ai l’impression d’avoir fait mon devoir, accompli ma mission. Les guns serbes s’éloignent et me lâchent le fion. Avant de vous quitter, parce que je suis bon, une courte anecdote en guise de conclusion :
Voici quelque dix ans, en 2003, la Norddeutsche Rundfunk, la radio d’Allemagne du Nord, sise dans un bunker d’un quartier sans âme de Hambourg, assez loin du centre-ville, proposait un double programme : le quartet de Chris Potter précédé du duo Rava-Bollani. Nos deux méridionaux jouèrent de leurs instruments mais aussi de leurs personnalités, de leur complicité transgénérationnelle (le trompettiste pourrait être le père du pianiste), du contraste entre leur jeu (virtuosité de feu follet touche-à-tout de Bollani ≠ musicalité et profondeur de Rava qui, contrairement à son cadet, sait à peine lire la musique et n’en a que faire tant il en est rempli).


Les Américains, eux, déroulèrent leur set de façon professionnelle et virtuose, passablement ennuyeuse aussi. Il s’avéra, renseignements pris, qu’ils terminaient une tournée harassante et jouaient en pilote automatique, sur des réflexes excellents mais peu propres à toucher le public, qui écouta poliment.  Avaient-ils entendu des coulisses le duo précédent ? On peut en douter et en tout cas ils n’en tirèrent aucune leçon car de l’approche ludique autant que lyrique des deux transalpins ou de leurs annonces de morceaux parfois hilarantes en anglo-italien, rien ne transparaissait dans le set froid et calibré des Etatsuniens. Et l’on vit le public de la bonne ville hanséatique de Hambourg sortir de l’auditorium dans la nuit frisquette bien que printanière, en parlant de Rava et Bollani, sourire aux lèvres et chaud au cœur, comme s’ils avaient oublié la seconde partie du concert. 
Croyez-moi si vous voulez : je suis certain que même les plus sobres d’entre eux, par la magie du duo initial, furent pris ce soir-là de transes alpines et crurent voir passer, devant le bunker de la NDR, des gondoles et leur gondoliers, maillots rayés et canotiers. 



Et puisque vous avez été sages et que vos sbires m’ont laissé la vie sauve, je vous promets (mais sans délai de livraison) un « Transes alpines IV », 1 2 C 4.

CiaoCiaoCiaoCiao…

samedi 21 janvier 2012

Transes alpines II


Bon, vous avez fini par m’avoir à l’usure. Quelqu’un a dû me dénoncer, dire aux autres que ma sieste était terminée, et depuis je ne connais point de repos. Je le disais à mes douze rejetons mâles pas plus tard qu’à l'instant : « Mon sans fil sonne sans cesse, fils. Comment ces diables de lecteurs de Blog de Garenne ont-ils obtenu mon numéro de téléphone, sons ? Ils sont bigrement forts, les bougres ! » C’est d’ailleurs cette admiration — mêlée d’une pointe de crainte due à ma pusillanimité naturelle, je vous le concède — qui me pousse à accéder à la demande réitérée exprimée via ces appels téléphoniques incessants : en deux mots comme en cent, vous voulez la suite de « Transes alpines ». Et, franchement, je vous comprends.

Adonc, andiamo (ma piano — mi raccomando — che non c’è bisogno di fare presto, no ?) et, avant de vous parler du séjour du Maestro Enrico Rava (Mister Cool & Mister Classe, pour les intimes) entre les murs du Sunside (rue des Lombards, Paris, France). Je ne puis résister au plaisir de vous raconter une anecdote de mon enfance aventureuse. Ah, ah : ça frétille dans les rangs. On espère du perso, du croustillant. Que dalle ! Vous allez au contraire découvrir un pan de ma personnalité la plus profonde, frôler les arcanes de ce qui fait de Max Granvil le EmGé que le monde vous envie, sacrés veinards. Vous allez pénétrer dans le ceint d’essaim ! Quand j’étépeti, mes parents n’avaient pas la télé. Ils l’acquirent au début de mon adolescence et, pendant un an, je fus accro au tube cathodique avant de revenir à la raison et de me consacrer aux activités récréatives, physiques, lucratives etc. propres à mon jeune âge : course à bicyclette, draguage de minettes, port de salopettes, lecture de « Macbeth »… Mais ne crachons pas sur la télé : à cette époque (années 60) elle n’avait qu’une chaîne qui, quelques minutes par jour, entre « Thierry la Fronde » et « Lecture pour tous », « Au théâtre ce soir » et « Au nom de la Loi », diffusait des pubs souvent inventives et hilarantes (Nous étions naïfs et riions volontiers, en ces temps révolus où se taper sur les cuisses ou sur le ventre n’était pas politiquement incorrect, ou réduit à des rires préenregistrés. Mais trêve de nostalgie. J’essuie une larme furtive qui ourle la courbe parfaite de mes yeux de biche et continue mon récit.)
Ainsi cette pub sous forme de dessin animé pour les raviolis Buitoni en boîte de conserve — vous suivez : on est toujours chez les Ritals, no ? Ma cazzo, ci mancherebbe meno ! On y voyait, filmée en plongée à travers la fenêtre de sa cuisine sise dans un HLM (alors en voie de prolifération), une femme s’arracher les cheveux en criant : « Mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire à manger ce soir ? ». Plan suivant : nonchalamentallongé sur un nuage en plein ciel, un bellâtre ritalissime habillé en combinaison bleue avec sur la poitrine le logo SB (Super Buitoni) se redresse un peu, tend l’oreille, perçoit le cri de détresse de la pôvtitdamenba et dit avec l’accent chantant et le phrasé décontracté du transalpin de base : « Ma qué : on m’appèlé ? Encore ouné ménazère qui né sé pas varié ses ménous ! Zé vé la sauver ». Et il plonge dans le vide, cape au vent, avec à la main une boîte de ravioli Buitoni. 

Que croyez-vous qu’il arriva sous le toit familial ? Mes 18 frères et sœurs et moi même (je ne compte pas les triplés finalement abandonnés dans la forêt avec succès après trois tentatives infructueuses) n’avons plus laissé à notre pauvre mère un instant de repos : chaque fois qu’elle sollicitait notre aide pour descendre les poubelles, ligoter l’un d’entre nous au radiateur, trancher menu un jambon de pays volé à l’étal d’un quelconque charcutier peu prudent ou trop lent à la poursuite… nous lui rétorquions « Ma ché, on m’appèlé… ». 





















Quand deux infirmiers psy vinrent la chercher (car la pauvre femme finit bien sûr par craquer et tenta d’étrangler une de mes cadettes) nous nous liguâmes tous contre ces deux représentants de l’institution hospitalière et notre génitrice en profita pour prendre le maquis. Quant à moi, voyant ma jeune sœur vaquer dans l’appartement avec sa minerve au cou, je me dis comme ça : « Franchement, EmGé, mon p’tit gars, ça commence à sentir le roussi à la casa, n’trouves- tu point ? Tâche donc voir moyen d’trouver une école de blogage dans les parages et fais péter ce « Blog de Garenne » dont tu rêves depuis toujours ». Et voilà comment je me retrouve devant toi aujourd’hui, public aimé (oui, toi Samantha, toi Khaled…) après des milliers d’heures studieuses passées dans une chambre de bonne exiguë au 7° étage sans ascenseur, des années de labeur acharné dans des conditions insalubres pour financer lesdites études, des mois de vache enragée pour mettre au point ce blog révolutionnaire, quelques minutes d’attente chez le concessionnaire pour acquérir (grâce à tes dons, public aimé autant que généreux) la Lamborghini flambant neuve qui me permet de raccourcir notablement le trajet entre le château de la Loire où je réside et mes locaux professionnels de l’avenue Hoche, tout ceci pour mieux te servir, Ô mon lecteur (toi Hartmut, toi Fatoumata) !

 











Ces ravioli, cette Lamborghini, ce château de la Loire (où, dit-on Leonardo traîna ses guêtres) nous ramènent évidemment à l’Italie dont je me proposais initialement de vous parler. Ma entré-temps l’ora d’ouné nouvellé siesta réparatrice elle est vénoue, no? 
Profitez-en comme moi, amici (On est amis, hein ? Dites, vous êtes mes potes, hein?). 
Après l’émotion de cette plongée en apnée dans le passé lointain de mon enfance tourmentée, nous en avons tous bien besoin.
Transes alpines III (sweet et faim),  c’est pour bientôt. Promis.

Et pour vous faire patienter d'ici là: une petite play-list de nouveautés et réed' 2011. En vrac.

Jen Shyu/Mark Dresser : «Synastry » (Pi Recordings)
Tom McClung/Jean-Jacques Elangué : « This is You » (Blang Music)
Angelica Nescier : « Quite Simply » (Enja)
Tom Harrell : « The Time of the Sun » (High Note)
Coleman Hawkins : « Today & Now/Desafinado » (Impulse)
Duke Ellington : "Meets Coleman Hawkins and John Coltrane (Impulse)
Giovanni Falzone : « Around Ornette » (Parco della Musica)
Michael Moore : « Amsterdam » (Bramboy)
Delirium : « Green Side Up » (ILK)
Michel Godard : « Monteverdi : a Trace of Grace » (Carpe Diem)
Ambrose Akinmusire : « When the Heart Emerges Glistening » (Blue Note)

Have fun, faites pas les cons, à too bientôt!  ;-) 

samedi 14 janvier 2012

Petit poème en mauvais vers pour remercier d’un bon conseil.



(Au Filou qui m’a remis les pendules à l’heure : Filou, ch’aime Kant & Komça ).

Un ami du « mundillo » m’a écrit tout récemment
Pour me tancer vertement sur l’abus de jeux de mots
Qui, selon son avis, plombe la teneur de mes propos.
Puis il fait machine arrière et me dit timidement
Qu’il craint de m’avoir blessé en étant un peu trop franc.
Que nenni, mon ami, go ! Vas-y ! Dis-moi tout, de grâce !
Ne crains pas pour mon ego : seuls les cons perdent la face
Quand un censeur argumente et leur rentre un peu dedans.
Car ta critique me plait. Le jeu de mot, de ma bouche,
Tend certes à couler à flots. Mais quand savoir si c’est trop ?
D’autres lecteur s’en repaissent, en re-veulent et sont accros.
Toi tu me dis « stop !», « mollo !», et ce point de vue me touche.
Grâce à toi mon vieux poteau, salutaire indicateur,
J’évalue mieux les extrêmes entre lesquels naviguer.
Je peux ainsi moduler ma verve et la distiller
Avec plus de Père Tinance pour décupler ça va, l’heure !