mardi 6 août 2013

A l'attaque!

Max Granvil passe à l'attaque! Faisez gaffe et garez vos abatis!

"Ah, ça commence fort!" diront certains. Comment leur donner tort? Votre eMGé l'a un peu mauvaise, même s'il reconnaît avoir pris récemment une excellente leçon de realpolitik.
Voilà: en réaction au papier d'un pitoyable scribe sur une chanteuse amie, il a répondu vertement audit scrittoraccio (comme un dit Lorenzaccio: ce petit merdeux de Lorenzo) dans le blog d'un mensuel jazzistique vénérable, tout en louangeant un concert de la vocaliste précitée. 


"Mais", dirent ses patrons (ceux d'eMGé), "Tu ne peux, cher ami, dans nos pages virtuelles/Verser ainsi ta bile ni faire d'étincelles/Car tu nous mets en cause et derrière ton nom/Tu impliques le titre et la rédaction". Il est vrai. J'acquiescai et l'on remania l'article trop violent. Mais voici: le revoilà! Sur ce Blog de Garenne, terrain de francs débats, j'ai pensé que mes lecteurs apprécieraient de voir figurer l'article de F… M… (I'm French) et ma réponse afin de mieux réfléchir et réagir. 
Pour moi les choses sont claires: ce tordu est la (une des) honte(s) de la profession mais personne, dans le journal où il sévit, ne contrôle sa plume. Vivre sur sa réputation et sur celle du média pour lequel on bosse n'est jamais bon. Pas d'émulation ni de stimulation; champ libre aux pulsions les plus primaires (engouements soudains, haines tenaces ou récurrentes, mesquineries de bas étage, manque évident de professionnalisme, perversité sans frein, tendance à croire refléter le goût commun alors qu'on n'a pas adressé la parole depuis des lustres à un spectateur ordinaire, ou au contraire propension à se croire au-dessus de la masse…: autant de tares qu'accumule notre taurillon du sud-ouest à l'agressivité larvée, lequel par ailleurs serait bien en peine d'affronter le moindre combat frontal, réel, et que l'idée même du corps à corps doit faire se conchier illico.

"Et en plus il est beau!" (voir plus bas)

Mais allons-y: ci-dessous le lien pour lire l'article du chie-devant dans sa forme originelle plus la reproduction dudit torchon avec commentaires.
Plus bas ma réponse originelle, aujourd'hui disparue dans cette version du site où je la publiai.


Le même article avec commentaires de Garenne (envoyez aussi les vôtres qu'on rigole!).

Au Nice Jazz Festival, moins c'est jazz, plus ça vibre
LE MONDE | 11.07.2013 | Par Francis Marmande 
Vous ne connaissez pas Youn Sun Nah ? Allez, vous voulez me faire marcher. Vous ne connaissez pas "la nouvelle sensation internationale du jazz vocal" ? Sérieusement : Youn Sun Nah dispose d'une vraie voix, joue d'un physique délicieux, taquine ses origines coréennes avec tact. Depuis Same Girl (2010), c'est planétairement qu'elle rayonne.
Là, une question me taraude. FM dirait-il (ou a-t-il jamais dit) quoi que ce soit d'équivalent de Dee Dee Bridgewater (grande minaudeuse devant l'éternel) ou de sa fistonne China Moses (pour ne prendre que deux exemples)? Pour un critique de jazz  français qui présente cette tare majeure et sans doute en partie inconsciente de "rêver d'être Noir", il est plus facile de s'attaquer à une chanteuse asiatique qu'à une représentante de la "tribu sacro-sainte".

Dis, dis, oserait-il?
Pas de fumisterie sans feu. Côté feu, inflexions, puissance, expression vocale, sens de la scène, dons du ciel aiguisés par un sérieux marketing, génie du cabotinage, accompagnateurs parfaits : Ulf Wakenius, fidèle bûcheron de Stockholm à la guitare ; Vincent Peirani, brillant accordéoniste – soupir chuinté de la chanteuse, "et en plus il est Niçois" ; et, pour finir, Simon Tailleu à la contrebasse – "et en plus il est très beau". 
Beau et jeune, ajouterai-je, et en pluche il sait vraiment jouer de la contrebasse. D'où le silence envieux du critique-contrebassiste-amateur-de-seconde-zone-depuis-des-décennies à propos de cet excellent musicien fort prometteur. "La housse partie" (titre d'un opuscule franciscain), certes, mais pas l'amertume du bassiste raté.
FM derrière un membre du peuple élu
 
Simon Tailleu, contrebassiste
























  

Côté fumisterie, on est servi à ras bord. Elle attaque, ce qui est très gonflé – mais elles (des noms! des noms! pas d'amalgame) le font toutes aujourd'hui (ben si elles le font toutes, ça n'a rien de gonflé! Ou c'est moi qui divague?) – a cappella. Y ajoutant cette très africaine petite boîte à lamelles, la sanza. Jouant autour, avant d'entrer dans My Favourite Things. Bon, d'accord, mieux vaudrait ne jamais avoir entendu Julie Andrews dans La Mélodie du bonheur, John Coltrane et Eric Dolphy dans les 47 versions enregistrées de la chanson.

Alpes autrichiennes (Yodeleïo! Yodeleïa!). Au centre, un taurillon bayonnais.

"Comparaison n'est pas raison", dit l'autre, et côté jazz la version de Julie Andrews, Bitte Schön, (comme on dit dans les Alpes autrichiennes) mais on a fait mieux…
La question n'est pas là. La question, c'est que, devant un public aux anges, Youn Sun Nah alterne des vocalises dans le style de Jacqueline François, avec ses intermèdes d'annonce : minaudant, chichitant, prenant force petites pauses de Pomponette sous acide, et d'un coup hululant, Castafiore mâtinée de Jane Birkin. Ne le prenons pas mal. Dans la vie ou backstage, elle est exactement comme ça. 
Voilà qui semble dénoter une connaissance de la personne que pas un de ses intimes ne confirme. Facile de flouer ses lecteurs en se faisant passer pour un proche des vedettes qui montent sur les planches. Mieux vaudrait faire VRAIMENT son travail de journaliste et ne pas citer des musiciens absents de la scène comme on a vu notre pitre pyrénéen le faire à plus d'une reprise.
A côté, Carla Bruni vous a des airs de Brigitte Fontaine.
Moins familier que FM avec les oeuvres complètes de Carin Brula, je reste cependant perplexe.
La question aussi, c'est que le programme superbement concocté du Nice Jazz ("festival depuis 1948"), renvoie le Gerald Clayton Sextet au rôle ancien de vedette portugaise de music-hall. Comme pour patienter. La nuit finira par tomber. Gerald Clayton, 27 ans, fils de John Clayton, descendant d'une tribu de musiciens, auteur d'un Paris Sessions (Decca/Emarcy) qui fait sensation, est ici écouté du bout des lobes.
Dommage, parce que son phrasé de pianiste à la Phineas Newborn – qui peut encore se souvenir ? – devrait happer les consciences. 
Gerald Clayton // Phineas Newborn? Rien que ça! Un petit blindfold test s'impose, histoire de voir si notre FM ne s'est pas une fois de plus trompé de nom et s'il distingue "Fabulous Phineas"… D'Eric Legnini, qui lui aussi s'est réclamé du pianiste de Memphis. Quant au "Qui peut encore se souvenir?": sors le dimanche, FM, cause aux gens et tu mesureras l'étendue de leur savoir de toi insoupçonnée — et du même coup celle de ta bêtise abyssale et condescendante. 


Dommage surtout, car les orchestrations pour voix et quartet aux airs de Carla Bley, Steve Nieve, John Greaves ou Robert Wyatt sont de première bourre. La nouvelle scène new-yorkaise est bien présente, mais pour que dalle.
DÉLICIEUSES BIGOTERIES
Le public attend Youn Sun Nah, la Sublime. Il va, il vient, pianote sur de vieux smartphones. Il se hèle, blagasse, rigole. Plus c'est "jazz", moins ça captive. Moins c'est jazz, plus ça jouit. Côté Masséna donc, on fait le plein : John Legend, C2C on ne vous en parle même pas, avec ces bras dressés sous arrosage de projos, ça rappelle des trucs.
Le Nice Jazz îlot de divertissement de qualité, la semaine où le maire se signale par des déclarations urticantes ? Folklore. En 1974, le jour même d'ouverture de ce qui allait devenir la légendaire Grande Parade de Nice, l'édile de l'époque avait eu le bon goût de jumeler Nice, au plus fort de l'apartheid, avec Johannesburg. Brève pensée pour Nelson Mandela.
Oui, "brève pensée" car (dit Pangloss au derviche à la fin de "Candide") "Je me flattais de raisonner UN PEU avec vous des effets et des causes, du meilleur des mondes possibles…", et la "pensée" d'un FM envers Mandela peut-elle être autre chose que "brève"? Petites rancoeurs, petites critiques, petite… mais grands totems: on compense comme on peut! 
Nelson Mandela (en costume traditionnel bayonnais)


















 
Le même, quelques années plus tard: mal conseillé par FM, il s'apprête à malmener une chanteuse coréenne




















Au fait, que faisiez-vous, quand la France voulait mater les Roms ? Rien. On écoutait l'exquise Youn Sun Nah. Elle présentait de délicieuses petites bigoteries cul-cul, My Prayer, par exemple, non sans se croire obligée de préciser qu'il s'agissait d'une composition personnelle. Rien. On passait devant cette paire de Roms qui faisaient la manche sous l'enseigne Benetton. On s'en faisait pas.
Entrée finale du choeur de Roms (c'est du Verdi, chérie!). Culpabilisation des méchants Niçois qui quittent la scène chargés de chaînes, le crâne rasé et couvert de cendres. Francis Ze Great a triomphé du mal, de l'imposture et autres choses du même genre. On respire!
 
A l'accordéon, FM, méconnaissable (oui, vous savez, sa méchanceté et sa bêtise lui ont fait prendre beaucoup de poids… mais ça reste entre nous, n'est-ce pas?)
Enfin: l'humble article de votre serviteur (si, si, j'insiste: je suis ton humble serviteur, lecteur aimé, oui toi Dagmar, toi Wladislaw, et toi petite Maria Mercedes de la Cruz, qui te caches derrière le pilier là-bas).

le pilier là-bas

 Ci-dessous, l'article de Max Granvil sur le concert de Youn Sun Nah (et plus sans affinité).

Festival de Jazz des 5 Continents. Marseille, Jardins du Palais Longchamp. 26/07.
Youn Sun Nah Quartet : Youn Sun Nah (voc, sanza), Ulf Wakenius (g), Vincent Peirani (acc), Simon Tailleu (b) ; Hiromi Trio Project : Hiromi Uehara (p, claviers), Anthony Jackson (elb), Simon Philips (dm).
Youuuuuuuuun!
                              Entre la balance et le concert du quartet de Youn Sun Nah, j’apprends que Frimsdane Can (H)arm, vain érable con frère ­­— qui, quand il n’anime pas une soupe populaire pour Roms en galère, se répand dans un quotidien de renom — s’est fait plaisir en descendant la chanteuse lors de son concert niçois, il y a peu. Ah, le plaisir ! Vaste sujet dont je ne débats jamais avec les pervers qui étalent leurs frustrations en s’attaquant à ceux/celles que le public aime. Insupportable, évidemment, pour qui ne s’aime pas. Car on l’aime, évidemment, Youn Sun Nah, et pas seulement parce qu’elle a (ou bien qu’elle ait) ce côté « lisse-Asie-du-sud-est » dans sa présentation. La politesse coréenne, c’est comme la fatuité bayonnaise, ça vous colle à la peau. Quand elle chante, excusez du peu, Youn Sun Nah déploie la tessiture, la gorge (déployée, comme on dit), le phrasé, les inflexions… Elle habite les mots, en anglais comme en français (« Avec le temps », magnifique…), improvise et titille ses accompagnateurs, ou se laisse entraîner par eux. Il est vrai que quand Ulf Wakenius (g) s’éclipse et que la chanteuse se retrouve seule avec Vincent Peirani (ac) et Simon Tailleu (b) on respire davantage. Cette enclume de guitariste ne va-t-il pas jusqu’à se tailler un petit moment de « gloire » perso en frappant les cordes de sa guitare avec une bouteille d’eau minérale, tandis que sa main gauche arpente le manche en barrés banals ? Mais bon, passons, la chanteuse est apparemment liée à lui par contrat et il arrive au Suédois de faire l’affaire, ne serait-ce que rythmiquement. Heureusement Simon Tailleu et surtout Vincent Peirani compensent dans le registre poétique qui est quand même l’une des grandes forces de la pas si fragile Youn Sun Nah,  laquelle possède — bien sûr — assez de personnalité  pour survivre allègrement aux  giclées de venin d’un critique moribond officiant dans un quotidien de renom.
Hiroimi, la mitraillette à 88 touches
                               Hiromi Uehara (dans l’intimité, appelez-moi Hiromi, je vous prie) au même programme que Youn Sun Nah, voilà qui fait un peu « soirée des dames » ou « mystères de l’Orient lointain » (au choix), mais les deux artistes n’y sont pour rien. Par contre la pianiste japonaise me pose un cas de conscience : j’ai déjà employé la métaphore « mitraillette à 88 touches » à propos de Michel Camilo à Malte la semaine dernière. La déontologie journalistique me permet-elle de récidiver à Marseille aujourd’hui ? Allez, va, je m’y risque, quitte à expier devant le comité d’éthique à la rentrée. Hiromi, donc, qui est objectivement l’une des plus impressionnante mécanique pianistique qu’on puisse entendre, mais dont le toucher est d’une raideur et d’une lourdeur ahurissantes et à qui le mot nuance semble globalement étranger. Alternant clavier acoustique et synthé, la pauvrette distille une musique globalement pauvre en feeling, et Anthony Jackson (elb) comme Simon Philips (dm) lui emboitent le pas sans sourciller. Il faut dire que la technique (et c’est là son piège : Martin Heidegger ou Jacques Ellul l’ont bien montré, chacun à sa façon) a de quoi fasciner par son potentiel d’expansion linéaire quasi inépuisable. Reste que le fantasme de l’homme (ou de la femme)–machine demeure une lubie fort peu musicale. Hiromi nous l’a démontré pendant plus d’une heure dans une vaine débauche de performance digitale ponctuée de levers de tabouret à la Keith Jarrett, qui lui — au moins — a réussi à ne pas se transformer en Robocop du piano, quelles que soient les tares qui par ailleurs l’accablent.