mardi 10 janvier 2012

Con fait rance de début d'année





Braves gens, l’expression idiomatique du jour — qui fera l'objet de la présente conférence, laquelle s’adresse autant aux idios qu’aux matiques (surtout s’ils se prénomment Otto) — sera : 
« Tomber dans l’oreille d’un lourd ». 

Une petite gorgée pour lubrifier le tuyau et pour boire à votre santé, et nous voile à partie!

En préambule on me permettra de rappeler que, comme l’affirme notre bon Brassens quand il chante que « la loi d’la pesanteur est dure, mais c’est la loi ! », tout est appelé à tomber un jour (entre autres en désuétude) — particulièrement ce qui est lourd — tomber dans l’oreille (creuse, par définition, et truffée de circonvolutions comme il se doit) d’un lourd c’est donc pousser le phénomène physique à la puissance X (vous suivez au fond, sacrebleu ? J’en entends qui papotent !).
Pour frapper vos tympans au coin du bon sens, vous me permettrez de choisir un exemple pré de chez vous (pré, chant, veaux, vaches et bœufs : toute cette ruralité nous distraira des mondanités urbaines qui contat-minent le jazz et raréfissonair). Il y a peu, on me contat que l’amer Michel racontait à qui voulait l’entendre (mais de quelle oreille ?) les dés mêlés kutavecmwa un musicien frappeur de drums (& tympani ? Non, pas tympans ni… !). Appelons A. R. ce musicien, pour préserver son âne aux nimas. AèRe, comme dans « AèRe donc voir un peu tes neurones en 2 temps et 3 roulements, ça fera circuler du vent dans ton skull »). Icelui alluma un matin un journaliste encore dans le cirage (alluma/cirage/cigare vous saisissez ? — ah, l’humain : toujours à faire le con ! Désopilovitch, niet ?) bicôze festival, nuit jusqu’à plus d’heure, et Chet et rats… (Ce journaliste était, vous l’orée d’œufs vinés, votre humble et dévoué serviteur : EmGé soie m’aime).  Plantons le décor : petit dej’ au RDC de l’hôtel où logent les musiciens, ces messieurs de la presse ainsi qu’une bottelée de VIP du mundillo jazzistique européen. Max Granvil, encore bouffi de sommeil (à défaut d’orgueil — qu’il garde en réserve pour l’étang 2, dis, Zette) est assis à une table en compagnie d’un directeur de festival, de son assistante et d’une VIP allemande qui comprend peu notre belle langue. On devise donc en anglo-saxon, d’une voix pâteuse, mais avec un affabilité matutinale des plus exquise tandis que, peu à peu, souléfédukafé et autres substances roboratives, les neurones des uns et des autres se mettent en place dans un grincement de rouages adouci par l’ambiance feutrée (vous voyez l’genre ?). Surgit AèRe, qui jouait la veille au soir, et a apparemment déjeuné peu avant nous vu la forme qu’il pète et la masse d’air qu’il déplace sur son passage — laquelle est proportionnelle au volume… (mais vous savez tout ça…). « Ben non, moi chsavépa !» murmure à mes côtés d’un ton humble et piteux le jeune stagiaire (faites la diérèse sur « stagiaire, hein, sinon ça fait pas 6 pieds) qui me taille mes plumes et me bourre mes pipes, vide mes cendriers et relit mes épreuves (c’est bon : les ex à syllabes, c’est fini) avec un louable dévotion et une admiration pour ma personne qui me semble parfois un rien exagérée — encore que… « Eh ben maint’nant tu sais, mon p’tit gars, et n’t’avise point d’oublier , ‘cré bon soir ! Interro écrite dans 15 j. Rompez, vous pouvez fumer !» luire éponge avec la bienveillance toute paternelle qui a fait ma réputation chez les jeunes générations (« Ô Ktoss y Llab, cesseras-tu un jour avec ton bête humour ? », entends-je murmurer in petto et tootakoté. OK, OK : je sens que si je vous lasse encore avec mes vers, vous m’aurez bientôt dans le nez. J’arrête donc)
Mais jeu mais gare. Revenons au surgissement d’AèRe, lequel se plante devant notre table et apostrophe votre serviteur d’un « Dis donc, EmGé, la prochaine fois ktakekchozadirsurmoi, tu l’fais en face, hein ! »
« What de quoi qu’tu cause ? », lui repartis-je interloqué « Je ne vois guère à quel fait tu allusionnes. Il ne me revient pointenmémwâr que je me soies jamais permis de t’offenser en kwakceswa. Ô AèRe, me gourge ou affabulrétu? Mon dieu, mon dieu où est la vérité ? Où se tapiléreur ? En ce bas monde, netatononnoupatousse, tels des aveugles conduits par des paralytiques dans un labyrinthe d’illusions ? Quand tout cela cessera-t-il ? Lord, lord, have mercy !» « Tu sais très bien de quoi je veux parler ! », rétorkéructe AèRe irrité. « Que nenni  et point au contraire» réplikje « Veuille éclairer ma lanterne, je te prie. A défaut de ton kit percussif, consens à battre le briquet pour illuminer mes méninges, plizbébipliz ! ». 

Mais ma requête reste vaine, et comme je bannis la haine, j’en suis réduit aux conjectures… et aux tartines de confiture.  Préférant me laisser dans le doute, AéRe refuse de me faire savoir de quoi il retourne exactement, me contraint à la conge et kture, me nie le droit, une fois informe et défait, de m’expliquer voire de m’excuser. Sa blessurintimprim. Selon lui je l’ai offensé : il souhaitait que je le susses (vous en rêviez de celle-là, non ? Pourquoi vous en frustrer ?) vwalakiéfé, et en public en pluche. Mais hors de question de me donner l’occasion de lui répondre. La perversion personne y fiée. L’individu est coutumier du fait, apprendrai-je plus tard. Et l’intrus part comme il eh, t’es venu, ne saluant pas plus la tablée en tournant les talons qu’il ne l’avait fait en arrivant, et laissant quatre convives perplexes. Mais pas au point de perdre le goût de la mastication et du bavardage. « Ah mais, dis-je au bout d’un moment : je me souviens d’avoir parlé d’AèRe au Luxembourg il y a peu, mais pas particulièrement en mal et rien de grave à mes yeux. Par contre je ne comprends pas pourquoi il intervient ainsi pour refuser ensuite de me dire précisément ce qu’il me reproche ». « Yo, man, lâche l’affaire : tu sais bien qu’AèRe cherche toujours l’embrouille, tête de ma reum! » répond mon sagace voisin. Et long nan reste là (« Reste là, Long Nan, j’ai dit ! Peste, le bougre va-t-il enfin m’obéir ?)… jusqu’à ce que la rumeur parvienne à mes oreilles (dans lesquelles tombent du lourd… C’est bon ? Ca suit au fond ?) que l’incident fait le tour du mundillo jazzistique, répandu par AèRe et son clan qui sous sa cote rit. 
Peut m’en chaut certes, et ça me laisse froid, mais diable ! Dans un microcosme de quelques centaines de pèlerins qui se connaissent tous, comment peut-on voir de telles pratiques piteuses avoir cours. « Mais c’est — pauvre naze que tu es mon bon EmGé, sauf le respect et tout ça — que tous les milieux, tentaculaires ou microcosmiques, fonctionnent de façon identique. En brave naïf amoureux de cette musique et de ses plus sincères et émouvants zélateurs, tu as toujours, ami EmGé, eu du mal à repérer les requins dont les dents rayent les parquets des scènes et des loges  ou à desseuler ceux pour qui être cheval lié dézarzélêtres n’est pas le néant mais le nirvana et vaut plus qu’un gig magnifique et mal payé…(« Des noms ! Des noms ! » Que dalle ! Il n’en est pas question ! Mais si vous me retrouver à l’entrée des artistes dans quelques minutes avec du cash, tout ça pourra se négocier, oeuf corse).

La possibilité de faire carrière dans l’art existe au moins depuis que Ronsard est devenu poète de cour (et du même coup  son art, ringard ou d’une perfection par trop formelle, stérile pour la postérité), tandis que Du Bellay, le mal-aimé, restait d’une modernité fulgurante et servait de modèle, trois siècles plus tard, aux romantiques. Lully ou Racine, un siècle après les deux poètes précités, devenaient des pontes pensionnés par Louis XIV. Le second arrêta même d’écrire ses géniales tragédies pour devenir historiographe du roi, fonction lucrative et prestigieuse dont il ne reste aucune trace sauf dans d’obscures archives. Monsieur de Ste Colombe ou Savinien de Cyrano de Bergerac, à la même époque, croupissaient dans une obscurité hautement créative qui inspire et émeut encore aujourd’hui.

Dans le mundillo du jazz actuel, en France en tout cas, la possibilité de quêter la reconnaissance officielle et l’argent public est « tombée dans l’oreille des lourds » et les rend tellement sourds à la nature même de cette musique que l’inanité de leurs « créations » (c’est le mot magique — amis, go ! — sinon faut dire « projet ») en sont souvent assourdissantes de vacuité et s’écoutent quelques années plus tard avec une incrédulité mêlée d’affliction. « Eh, Monk, c’est quoi ton projet, mec ? Et t’avais qui comme prof à Berklee ? ». « Bird, mon gars, si tu me proposes pas une création bien présentée sur un dossier en 3 exemplaires, j’peux pas te prendre dans mon festival, tu comprends !  Et puis d’abord c’est quoi ton nouveau projet cette année ? » « Ben comme l’an dernier et celle d’avant, man , mon projet c’est JOUER, envoyer la purée et trouer le cul du public ou lui mettre les larmes aux yeux avec mon alto et mon groupe ! » 
Ben oui, chez toi, mthrfckr de « décideur » (aussi sourd que la plupart de tes sponsors qui envoient leurs clients fidèles ou leurs employés méritants remplir l’espace "entreprise" de ta salle de spectacle, comme une bonne moitié des VIP que tu invites à ton festival et qui patientent pendant le concert en attendant le cocktail qui suivra — ou qui ronflent dans l’auditorium si le gueuleton a eu lieu avant), chez toi — donc — y’a rien à trouer et les larmes ne peuvent pas couler : vous avez les oreilles bouchées avec du lourd et vos yeux sont trop formatés, à force de lire des dossiers, pour pouvoir pleurer !  Quant aux autres orifices… J’ose ? J’ose pas ? Allez j’me lance : Vous n'avez pas de cul because you’re full of shit ! (Ca, parole d’honneur, c’est envoyé, non ?)
Vous permettrez à l’humble orateur que je suis, cher public de cette passionnante conférence, de relever le niveau en terminant par une citation littéraire : L’albatros de Baudelaire, ce sont « ses ailes de géant » qui l’empêchaient de marcher sur le sol. La plupart de ces messieurs des instances aux ficelles, musiciens bien en court (pour faire short), hommes de poux, voire… ce sont les minuscules boutonnières de leurs chevaleries déserts et l’âtre, légions d’H, I, J, ou K qui leur coupent les L du désir, du plaisir. Ces boutons de mièvres empêchent leurs tympans et leurs rétines de voir et d’entendre (et quand ils le perçoivent confusément ils sont renvoyés à leur jalousie ou à leur complexe de surdité) que, quand de vrais musiciens inspirés jouent, où que ce soit, quand que ce soit, dans le moindre boui-boui sous payé ou à Carnéguiôle:
 « …Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques
        Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin,
        Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques ». (Charles Baudelaire, « Les chats »)

Amis du jazz (amateurs, musiciens, « professionnels de la profession »…), si vous sentez un jour que le poids du lourd, le goût des honneurs ou la surdité vous pendent au nez, un conseil : jouez!
Autrement dit: inspirez / soufflez ! 

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