samedi 21 janvier 2012

Transes alpines II


Bon, vous avez fini par m’avoir à l’usure. Quelqu’un a dû me dénoncer, dire aux autres que ma sieste était terminée, et depuis je ne connais point de repos. Je le disais à mes douze rejetons mâles pas plus tard qu’à l'instant : « Mon sans fil sonne sans cesse, fils. Comment ces diables de lecteurs de Blog de Garenne ont-ils obtenu mon numéro de téléphone, sons ? Ils sont bigrement forts, les bougres ! » C’est d’ailleurs cette admiration — mêlée d’une pointe de crainte due à ma pusillanimité naturelle, je vous le concède — qui me pousse à accéder à la demande réitérée exprimée via ces appels téléphoniques incessants : en deux mots comme en cent, vous voulez la suite de « Transes alpines ». Et, franchement, je vous comprends.

Adonc, andiamo (ma piano — mi raccomando — che non c’è bisogno di fare presto, no ?) et, avant de vous parler du séjour du Maestro Enrico Rava (Mister Cool & Mister Classe, pour les intimes) entre les murs du Sunside (rue des Lombards, Paris, France). Je ne puis résister au plaisir de vous raconter une anecdote de mon enfance aventureuse. Ah, ah : ça frétille dans les rangs. On espère du perso, du croustillant. Que dalle ! Vous allez au contraire découvrir un pan de ma personnalité la plus profonde, frôler les arcanes de ce qui fait de Max Granvil le EmGé que le monde vous envie, sacrés veinards. Vous allez pénétrer dans le ceint d’essaim ! Quand j’étépeti, mes parents n’avaient pas la télé. Ils l’acquirent au début de mon adolescence et, pendant un an, je fus accro au tube cathodique avant de revenir à la raison et de me consacrer aux activités récréatives, physiques, lucratives etc. propres à mon jeune âge : course à bicyclette, draguage de minettes, port de salopettes, lecture de « Macbeth »… Mais ne crachons pas sur la télé : à cette époque (années 60) elle n’avait qu’une chaîne qui, quelques minutes par jour, entre « Thierry la Fronde » et « Lecture pour tous », « Au théâtre ce soir » et « Au nom de la Loi », diffusait des pubs souvent inventives et hilarantes (Nous étions naïfs et riions volontiers, en ces temps révolus où se taper sur les cuisses ou sur le ventre n’était pas politiquement incorrect, ou réduit à des rires préenregistrés. Mais trêve de nostalgie. J’essuie une larme furtive qui ourle la courbe parfaite de mes yeux de biche et continue mon récit.)
Ainsi cette pub sous forme de dessin animé pour les raviolis Buitoni en boîte de conserve — vous suivez : on est toujours chez les Ritals, no ? Ma cazzo, ci mancherebbe meno ! On y voyait, filmée en plongée à travers la fenêtre de sa cuisine sise dans un HLM (alors en voie de prolifération), une femme s’arracher les cheveux en criant : « Mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire à manger ce soir ? ». Plan suivant : nonchalamentallongé sur un nuage en plein ciel, un bellâtre ritalissime habillé en combinaison bleue avec sur la poitrine le logo SB (Super Buitoni) se redresse un peu, tend l’oreille, perçoit le cri de détresse de la pôvtitdamenba et dit avec l’accent chantant et le phrasé décontracté du transalpin de base : « Ma qué : on m’appèlé ? Encore ouné ménazère qui né sé pas varié ses ménous ! Zé vé la sauver ». Et il plonge dans le vide, cape au vent, avec à la main une boîte de ravioli Buitoni. 

Que croyez-vous qu’il arriva sous le toit familial ? Mes 18 frères et sœurs et moi même (je ne compte pas les triplés finalement abandonnés dans la forêt avec succès après trois tentatives infructueuses) n’avons plus laissé à notre pauvre mère un instant de repos : chaque fois qu’elle sollicitait notre aide pour descendre les poubelles, ligoter l’un d’entre nous au radiateur, trancher menu un jambon de pays volé à l’étal d’un quelconque charcutier peu prudent ou trop lent à la poursuite… nous lui rétorquions « Ma ché, on m’appèlé… ». 





















Quand deux infirmiers psy vinrent la chercher (car la pauvre femme finit bien sûr par craquer et tenta d’étrangler une de mes cadettes) nous nous liguâmes tous contre ces deux représentants de l’institution hospitalière et notre génitrice en profita pour prendre le maquis. Quant à moi, voyant ma jeune sœur vaquer dans l’appartement avec sa minerve au cou, je me dis comme ça : « Franchement, EmGé, mon p’tit gars, ça commence à sentir le roussi à la casa, n’trouves- tu point ? Tâche donc voir moyen d’trouver une école de blogage dans les parages et fais péter ce « Blog de Garenne » dont tu rêves depuis toujours ». Et voilà comment je me retrouve devant toi aujourd’hui, public aimé (oui, toi Samantha, toi Khaled…) après des milliers d’heures studieuses passées dans une chambre de bonne exiguë au 7° étage sans ascenseur, des années de labeur acharné dans des conditions insalubres pour financer lesdites études, des mois de vache enragée pour mettre au point ce blog révolutionnaire, quelques minutes d’attente chez le concessionnaire pour acquérir (grâce à tes dons, public aimé autant que généreux) la Lamborghini flambant neuve qui me permet de raccourcir notablement le trajet entre le château de la Loire où je réside et mes locaux professionnels de l’avenue Hoche, tout ceci pour mieux te servir, Ô mon lecteur (toi Hartmut, toi Fatoumata) !

 











Ces ravioli, cette Lamborghini, ce château de la Loire (où, dit-on Leonardo traîna ses guêtres) nous ramènent évidemment à l’Italie dont je me proposais initialement de vous parler. Ma entré-temps l’ora d’ouné nouvellé siesta réparatrice elle est vénoue, no? 
Profitez-en comme moi, amici (On est amis, hein ? Dites, vous êtes mes potes, hein?). 
Après l’émotion de cette plongée en apnée dans le passé lointain de mon enfance tourmentée, nous en avons tous bien besoin.
Transes alpines III (sweet et faim),  c’est pour bientôt. Promis.

Et pour vous faire patienter d'ici là: une petite play-list de nouveautés et réed' 2011. En vrac.

Jen Shyu/Mark Dresser : «Synastry » (Pi Recordings)
Tom McClung/Jean-Jacques Elangué : « This is You » (Blang Music)
Angelica Nescier : « Quite Simply » (Enja)
Tom Harrell : « The Time of the Sun » (High Note)
Coleman Hawkins : « Today & Now/Desafinado » (Impulse)
Duke Ellington : "Meets Coleman Hawkins and John Coltrane (Impulse)
Giovanni Falzone : « Around Ornette » (Parco della Musica)
Michael Moore : « Amsterdam » (Bramboy)
Delirium : « Green Side Up » (ILK)
Michel Godard : « Monteverdi : a Trace of Grace » (Carpe Diem)
Ambrose Akinmusire : « When the Heart Emerges Glistening » (Blue Note)

Have fun, faites pas les cons, à too bientôt!  ;-) 

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