Lionel Louke (g, voc), Chris Cheek (ss, ts) Ferenc Nemeth (dm, voc), Sunset, 09/07/2019
Quand
j’arrive, au milieu du premier set, m —a première impression est que « ça
joue » ! Chris Cheek, au soprano, est en plein solo appuyé par le
drumming tonique et fourni de Ferenc Nemeth et par la guitare affutée de Lionel
Loueke. La sonorité de soprano est magnifique et le phrasé fluide et véloce
retient immédiatement l’attention. Suit un thème lent, de Nemeth, inspiré par
son récent voyage en Inde. La guitare se fait planante et Cheek embouche son
ténor : son instrument de prédilection sur lequel il est un des plus
intéressants instrumentistes de sa génération (celle de Mark Turner, Chris
Potter ou Joshua Redman — à l’initiative duquel ces trois souffleurs l’avaient
rejoint pour un excellent quartet de saxes voici quelques années à La
Villette — au passage, j'avais trouvé Redman le moins intéressant des 4, mais ce n'est pas nouveau: je n'aime pas beaucoup ce saxophoniste dont la réputation me semble parfaitement surfaite… Par contre c'est un excellent homme d'affaires).
Cheek n’est pas le plus renommé parmi ces ténors mais il vaut
largement — selon moi — le plus médiatique des quatre précités. En attendant, le
trio s’englue dans une soupe new age que mes oreilles ont du mal à apprécier,
voire à supporter. Vite, que ce morceau finisse et qu’on revienne à des thèmes
ayant davantage de chair, de bidoche.
Tiens, voilà que nos trois lascars passent
à la vitesse supérieure en termes de tempo comme de puissance sonore. Là, je les
suis sans restriction mais ils reviennent bientôt au brouet fadasse qui,
apparemment sert d’intro et de coda à ce thème interminable. Malheureusement le
morceau suivant — nettement plus marqué par le rock aussi bien sur le plan
rythmique que mélodique — ne me fait pas non plus léviter. Nemeth — qui l’a composé — se lance dans un
long duo avec Loueke qui adopte des sonorités de guitare-synthé, et je prie pour
que la suite ne nous inflige pas un Cheek à l’EWI. Décidément ces sonorités
électriques et cette frappe binaire ne sont pas pour me plaire. Nemeth n’a
jamais été mon batteur favori mais je ne le connaissais qu’en sideman. Ici,
leader et unique compositeur, je le trouve carrément décevant et moi qui étais
venu essentiellement pour écouter le guitariste et le souffleur, je les entends
engoncés dans une musique (« un univers » diraient mes collègues de la
presse à la mode) qui ne leur correspond guère.
Mais
le deuxième set débute par un solo absolu de Loueke, sur un morceau de Nemeth
qui lui est dédié. Ca commence plutôt bien et assez rapidement Lionel ajoute à
ses lignes de guitare un chant rythmique en onomatopées qui rappelle ses
origines africaines. Quand il est rejoint par la batterie puis le ténor, le
morceau devient une sorte de gimmick où la sonorité de la sept cordes se trouve mêlé
à un son de groupe assez binaire et pesant dont le timbre du sax s’extrait tant
bien que mal pour un solo bien senti. Mais ce n’est pas ce Chris Cheek que j’ai
envie d‘entendre et je commence à envisager de me diriger vers la sortie.
Ecouter Cheek avec une de ses propres formations est impossible cet été en
Europe. Il n’est pas assez célèbre. Dommage, car ce ténor est — je le répète —, avec Mark Turner,
l’un des plus intéressants du moment. Après un petit discours convivial du
batteur qui annonce un thème écrit en hommage à sa femme, la musique reprend.
Nemeth chante en intro une mélopée assez planante où sa voix est modifiée par
des effets électroniques. Ca commence plutôt mal ! Puis la batterie entame
un drumming discret sur lequel le soprano de Cheek vient poser sa sonorité
diaphane tandis que Loueke égrène
quelques accords distordus. On est encore dans une atmosphère new age qui ne me
satisfait guère et où je ne reconnais pas mes deux favoris guitariste et
saxophoniste.
Non, décidément, les compos de Nemeth ne sont pas à la hauteur du
talent de ses deux comparses — auxquels il aurait pu demander de contribuer à
une partie du répertoire. Le morceau suivant, où Nemeth se veut — du moins au
début — plus percussionniste que batteur, semble devoir être plus tonique. Un gros son, certes, mais rien de bien passionnant sur le
plan harmonique. Quant à la petite mélodie, accrocheuse et plutôt bien ficelée
(une sorte de calypso décalé) elle ne suffit pas à retenir mon attention.
Heureusement un solo de ténor viendra faire de ce thème — qui prendra corps et
s’épaissira au fil du jeu — une réelle réussite. Le dernier morceau que
j’entendis, « Lullabye », fut sans doute le plus satisfaisant par sa
construction et du fait des solos dont il fut émaillé. Mais il lui manquait le
petit quelque chose qu’aurait fourni une maîtrise plus approfondie de l’art de la
composition. Et quelle idée de faire fredonner la mélodie par le public! Cette
pratique de boys scouts m’a toujours paru ridicule et démagogique.
Au
total, un concert assez décevant où l’on aurait aimé entendre les deux solistes
mieux employés. Ferenc Nemeth n’a sans doute pas encore une véritable dimension
de leader, même s’il sait déjà s’entourer de musiciens de premier ordre.
Max
Granvil
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