A ceux qui diraient que ce trio est trop pical (Ah, ce Max
Granvil, quel humour désopilant ! Mais où diable va-t-il chercher tout
ça ?) je répondrai qu’ils aillent mourir (la gueule ouverte, de
préférence) et que leur agonie soit longue et douloureuse !
Ceci
posé, arrêtez de m’interrompre, je vous prix, et laissez moi écouter ces trois
gaillards et accomplir mon dur labeur (a
labor of love, bien sûr, comme disent les Rosbifs/Hamburgers).
Voilà :
dans un Sunside bourré à craquer Alain Jean-Marie, Patrice Caratini et Roger
Raspail sont au charbon, à la mine, et
les pépites qu’ils exhument sont riches de carats. C’est que ces trois
musiciens ont accumulé au fil des ans, dans le domaine du jazz comme des
musiques antillaises, un savoir faire qui en ferait pâlir d’envie plus d’un(e).
Une pépite (plus visuelle qu'auditive, je vous l'accorde) |
Qui,
d’ailleurs, mêle ces deux idiomes cousins dans notre petite jazzosphère
parisienne ? Allez, creusez-vous les méninges et donnez moi des
noms ? (Allez, et plus vite que ça ! Mais enfin vous allez répondre,
maudit(e)s bougr(ess)es ?). Mario Canonge, entends-je à ma droite. Grégory
Privat me susurre-t-on à ma gauche. OK. Vous avez gagné mon estime. Mais cette
ouverture du jazz vers les musiques antillaises — comme africaines, d’ailleurs
— est relativement rare en France, alors qu’elle est courante outre-Manche.
Mario prise de tête? Vous voulez rire! |
G.P. |
Et
on se demande bien pourquoi. Depuis Barney Wilen ou Eddy Louiss, pourtant, les
jazzeux hexagonaux auraient dû prendre conscience du fait que, ne serait-ce que
rythmiquement (et mélodiquement, bien sûr), il y a là un trésor à piller sans
retenue. Mais, en France, ce mélange ne prend pas. Regardez par exemple notre
ONJ : qui l’empêche d’être « black, blanc, beur » comme notre
équipe de foot ? Or si l’on omet celui que dirigea voici plus de 30 ans
(sic !) Antoine Hervé — et qui comprenait Nguyên Lê, Etienne Mbappé et
Mokhtar Samba —, les autres phalanges nationales étaient toutes désespérément
« blanchâtres » (Eh, Fred Maurin, tu m’entends, là ?).
Antoine R V |
Quant
au fameux « trio africain » des fameux Romano/Sclavis/Texier — qui a
abondamment sillonné l’Afrique subsaharienne en compagnie du soi-disant
« griot du Leica » Guy Le Querrec, et ramassé au passage la grosse
galette —, il n’a jamais (autant que je susse) eu l’idée d’inviter un seul
musicien… africain (prrrrésentement, là dis donc, à l’heurrrre actuelle) !
Car nés de roots? Et ta soeur! (Elle danse en premier plan. Caisse tu lui veux à ma soeur?) |
Entendre
le Tropical Jazz Trio revisiter « Le temps des cerises », des
standards de Dizzy Gillespie ou de Charlie Chaplin et entonner des thèmes
originaux de ses trois membres est donc un régal rare. Et tout ça sonne parce
que ça joue et que ça fait sens. Je ne vous ferai pas l’insulte de vous
détailler le toucher lumineux et le phrasé itou d’A J-M. Si vous ne l’avez
jamais entendu depuis les décennies qu’il hante les clubs parisiens comme les
salles et festivals de province, c’est que vous ne
quittez guère la grotte ardéchoise ou béarnaise où vous végétez, hirsute et
puant, telle une bête brute.
Alaiiiiiiiin!!! |
Patrice
Caratini est, lui aussi, un pilier inébranlable de la scène jazz hexagonale (et
pas que : il a longtemps accompagné Maxime Le Forestier, par exemple). Son
big band est un modèle incontournable et je l’ai même entendu, voici une
dizaine d’années faire revivre, au Petit Journal Montparnasse, le nonet
« Birth of the Cool » de Miles en moyenne formation : un bonheur
absolu, d’autant que le nonet originel n’avait jamais joué en France ni en
Europe, à ma connaissance. Et ce néo-nonet n’a quasiment pas tourné !
Patriiiiiiice!!! |
Je
vous fais grâce de ma sempiternelle diatribe sur la surdité des programmateurs
français mais vous voyez, à mes sourcils froncés et au rictus amer qui déforme
mes lèvres purpurines, que je bous d’une ire rentrée autant que légitime.
Passons,
donc, car le deuxième set du Tropical Jazz Trio va commencer et je ne vais pas
laisser de mauvaises pensées me gâcher mon plaisir. Ca débute sereinement par
un « Nica’s Dream » (d’Horace Silver) qui distille une douce
pulsation chaloupée sur laquelle la frappe subtile et variée de Roger Raspail (le
cadet de la triade) soutient les harmonies d’A J-M et la basse souple de Caratini.
L’écoute du public est attentive et recueillie. On suit à la trace l’évolution de
la grille d’accords et on attend avec impatiences les solos qui vont suivre. La
basse d’abord, essentiellement dans les graves, puis les percus qui font monter
la tension, enfin le piano qui enjolive la mélodie et brode autour avec un
lyrisme mesuré dans le plus pur style Jean-Marie. Respect !
Rogeeeeer!!! |
Suit
« African Flower » (« Fleurette africaine ») de Duke
Ellington (originellement en trio avec Charles Mingus et Max Roach), un
standard assez peu joué et dont, pourtant, la mélodie est un petit chef
d’œuvre, au point que le trio se contente de la jouer sans prendre de solos.
Merci, donc à nos trois compères de lui avoir donné une nouvelle vie.
Allez
donc les voir/entendre et/ou achetez leur disque (et offrez-le à ceux que vous
aimez). Vous vous ferez grand plaisir et vous ferez des heureux. Car c’est bien
de bonheur qu’il s’agit là, et ce n’est pas si courant qu’on le croirait dans
ce bas monde!
Max
Granvil
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire