lundi 24 juin 2019

De la boboïtude (tentative d’âne à Lise structurale d’1 P2S)


Et d’abord vous vous demandez tous, lecteurs aimés, ­— oui toi Gudrun, toi Abderrachid, toi Hans-Jürgen et toi Rémi qui te caches là-bas au fond — ce que c’est donc, nom de Zeus, qu’1 foutu « P2S » ? 
Un phénomène de société, té peuchère !
Ceci éclairci, étrillons l’âne à Lise avant de lancer l’équidé à l’assaut du bobo.
 
Le bobo est apparemment un type humain peu facile à définir, d'autant — prétendent certains — que nous serions tous devenus plus ou moins bobos. Donc le modèle originel se serait dilué dans la masse.
A ceci Max Granvil répond: « Bullshit, foutaises et calembredaines! Si vous croyez vous en tirer comme ça, si vous espérez (dans vos rêves les plus fous) échapper au bousin maousse que l'âne à Lise va déposer sur votre paillasson, vous vous leurrez menu ».
Et pour commencer, retournons allah source 2 toute chose, car pour analyser 1 P2S (tout phénomène, d'ailleurs — ou d'ici) il faut retourner aux origines, au coeur de meule de la boboïtude, soit — à Paris — au début des années 2000, à un cheval près.
Nous voici donc à Paname à l'orée du nouveau millénaire et les bobos (qu’on appelle « radical chic » en Italie : ces Ritals sont puissants, y’a pas à dire !) pullulent comme lentes sur le crâne d’un pouilleux. 
Qui sont-ils/elles?
D'après Larousse : Nom (abréviation de l'anglo-américain bourgeois bohemian, bourgeois bohème). Familier. Personne plutôt jeune, aisée et cultivée, affichant son anticonformisme.
 Nous voilà renseignés et l'âne à Lise peut commencer à avancer de son pas de brave bourricot à sa Lison (que j'imagine jeunette et court vêtue, si possible sans dessous dessus… mais je m’égare!).
 
C'est parti, fouette cocher!:
— Question : Pourquoi tant de bobos à Paris? (et aussi dans quelques grandes villes de l'Hexagone : à Lyon, par exemple, ils ont investi le quartier de la Croix Rousse au point qu'on ne voit plus ses taches de rousseur).
— Réponse: Pasque C la grande ville  avec tous ses biens et services que kiffent les bobos : salles 2 pestacles branchouilles (la Cigale, le Bataclan…), expos photos comme ils les aiment, fiefs bling bling comme le Marais ou la rue Oberkampf, magasins genre Monop' (j'en reparle plus bas), Carrefour city…, apparts en coloc, tafs dans le secteur tertiaire (banques, informatique, communication, prod, télétravail, etc.) avec raie mu n'est ration ad hoc …
— Q: Alors C pour ça qu'y a tant de bobos à Paname?!
— R: Yes, et même que s'il restent dans la capitale quand ils sont célibataires, en couple ou avec au max 1 gniard, ils se barrent en banlieue avec le 2° lardon pasque les loyers deviennent trop beaucoup chers.
On les voit donc boboïser Montreuil, Vincennes, Saint-Ouen, Clichy, Saint-Denis, Asnières etc. Regardez : à 2 pas de là où j'habitais dans le XVIII° (métro Lamark-Caulaincourt) se sont ouverts en l’espace de deux ans un bar à champagne ouvert de 14h à 24h et qui s'appelait "Call me Bubbles" (parce que pour les bobos, il faut toujours tout justifier par le langage. "Appelez-moi Bulles", en langue françoize : et puis quoi encore? D'abord je t'appellerai si j'ai besoin de toi et y'a peu de chance, ensuite t'appeler en anglais, what fuckin' for ? 
Et l'autre négoce qui s'ouvrit dans ton quartier Ô eM Gé, my main man? Une fromagerie du nom de "Fromages et ramage". Le bobo ne supporte pas les noms simples et la moindre boulangerie qu'il fréquente doit s'appeler "Le fournil de Maistre Pierre" ou un truc dans l'style.
 
Mais le magasin le plus emblématique de la culture bobo ce fut le Monop' première génération (ce type de magasin a un peu évolué depuis et le style bobo s’est diffusé à d’autres enseignes). 
Tout dans l'apostrophe (à donf', man!)
Quand on entrait dans ces temples de la conso (ouverts jusqu’à plus d’heure car le bobo travaille tard), on trouvait près de l’entrée, à droite, des boissons non alcoolisées et des plats tout préparés pour ceux qui ne savent pas — ou n’ont pas le temps de — se faire à manger.
Monop' easy vous rend le temps que le taf vous prend!
                         A gauche, une débauche de boissons alcoolisées pour ceux qui aiment faire la teuf ou se torcher gentiment après le taf qui, chez les bobos, est toujours plus ou moins cause de stress, d’où chez eux un abondant usage de la coke.
Dans le rayon frais, rien n’était proposé en vrac. Vous voulez des pommes ? Elles sont emballées par quatre en barquette sous cellophane avec un slogan du style « des p’tites pommes pour ma pomme » (le bobo apprécie les jeux de mots lourdingues : chez Monoprix — et pas seulement chez Monop’ — les carottes râpées sont agrémentées d’un « si vous voulez des carottes, c’est râpé » et le jus de pomme d’un « allez, mettez-vous au jus »… 

Des marques comme les jus de fruits et smoothies Innocent ou les produits laitiers Michel & Augustin ont tout compris de l’idéologie bobo et agrémentent leurs produits d’une prose débile qui se veut conviviale et gentiment drôle.
 
  
Trop cooool, non? Djeunz, multiculturel et con…vivial!
 Pour en finir avec Monop’, si vous y cherchiez un ustensile ménager du style éponge ou savon noir, c’était tout au fond du magasin, loin des regards : le bobo n’est pas très branché utilitaire. Pour lui la vie se doit d’être fun. Aussi le bobo est-il fan de jeux vidéo, d’applis ludiques sur son smartphone, de tenues de jogging flashy, de salles de sport aux équipements high-tech…
Quand il quitte son travail stressant, le bobo retombe avec délice en enfance ou en adolescence.
Tout ceci a-t-il des conséquences dans le domaine du jazz, me demanderez-vous. Ben oui, pardine! Mais pas trop quand même.
Ainsi a-t-on vu une jeune chanteuse (dont le nom m’échappe) se produire avec son groupe dans un club parisien avec, pour chacun d’eux, une  petite larme à l’œil peinte sur le visage ? Damned ! L’émotion m’étreint et je me sens tout chose. 
A quel type de public sinon bobo pouvait s’adresser ce touchant maquillage ? Imagine-t-on Sheila Jordan ou Dianne Reeves ainsi grimées ? 
Le monde du jazz est sans doute globalement moins touché par ce phénomène que celui de la chanson ou de la pop. En effet la moyenne d’âge assez élevée du public jazz fait que les bobos y sont moins nombreux qu’ailleurs. De plus, les jazzmen/women ne cherchent pas toujours à ratisser large ni à toucher le public adulescent. Mais les jeunes musicien(ne)s relèvent de plus en plus de la boboïtude. La pochette du premier disque d’Anne Paceo était à ce niveau un exemple frappant.
 
Les bobos ne semblent cependant pas avoir un grand avenir dans le domaine du jazz où le poids d’un riche passé maintient des valeurs durables. La plupart des jeunes musiciens sont ainsi marqués par des aînés tels que Fats Waller, Charlie Parker, Charles Mingus ou John Coltrane et ne cherchent pas à se vendre sous une étiquette superficielle et flashy.
Par contre le marketing des labels de musique classique pour promouvoir leurs jeunes artistes est de plus en plus ciblé sur les bobos. Avoir parmi les mp3 téléchargés sur son smartphone ou son PC des morceaux de musique classique joués par de jeunes artistes au look calibré est, pour le bobo, un « mieux disant culturel » appréciable. N’essayez pas, par contre, de lui vendre des interprétations — mêmes sublimes — de « vieux » tels que Pablo Casals, Sviatoslav Richter ou David Oïstrakh. Pour le bobo, la consommation de musique passe d’abord par le  visuel et ensuite seulement par les oreilles!
 
 
Alors, convaincus? Si ce n’est pas le cas je ne peux rien pour vous et l’on peut penser que vous êtes vous-mêmes de sacrés… bobos, mes cocos !
Max Granvil





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire