lundi 17 juin 2019

Hubro, le grand petit label qui vient du froid.


Malgré sa population d’à peine plus de cinq millions d’habitants la Norvège est l’un des pays les plus créatifs qui soient dans le domaine du jazz.
Mon collègue et ami Luca Vitali a rendu compte de cette spécificité dans un ouvrage uniquement publié en italien et en anglais, « The sound of the North », dans lequel il retrace l’historique de cette originalité.
Hubro, un jeune label norvégien, est typiquement représentatif de la manière norvégienne d’envisager la créativité jazzistique. On n’y trouvera pas d’exemples de jazz classique ou traditionnel : les Norvégiens regardent peu en arrière et valorisent particulièrement l’innovation et les jeunes musiciens, même si des stars internationalement établies et septuagénaires tels que le saxophoniste Jan Garbarek ou le guitariste Terje Rypdal sont  toujours actifs.
Sur Hubro, on pourra donc entendre des musiciens dont la carrière se limite encore souvent à la scène norvégienne, ou au mieux scandinave.
Parmi ceux-ci, on entendra aussi bien des musiciens assumant seuls toutes les parties instrumentales de leur disque — tel le percussionniste et multi-instrumentiste Erland Dahlen — que de grandes formations comme le Trondheim Jazz Orchestra.

On y entendra aussi bien un instrument traditionnel du folklore norvégien, comme le violon hardanger d’Anne Hutta, que des effets électroniques — et ce parfois sur le même enregistrement.
Hubro est donc ouvert à tous les possibles de la scène contemporaine norvégienne et maintient sur l’ensemble de sa production une qualité constante aussi bien au niveau proprement musical qu’à celui de l’enregistrement.
La variété des formations que propose le catalogue Hubro est proprement sidérante et on s’étonne qu’un si petit pays recèle une telle diversité de groupes musicaux.
La raison en est que les musiciens Norvégiens ont très tôt découvert la possibilité de faire sonner le jazz à leur façon grâce à des musiciens américains expatriés tels que George Russell ou à des disciples du pianiste-pédagogue Lennie Tristano qui, dès les années 60, leur ont conseillé de puiser dans leur riche fonds musical folklorique et de s’éloigner du modèle étatsunien, particulièrement le hard bop alors dominant.
Mr. George Russell avec un tout jeune Jan Garbarek
Si l’on ajoute à cela l’intérêt précoce des Norvégiens pour la technologie informatique, on obtient des mélanges inédits et un spectre musical d’une largeur inégalée.
Il faut ajouter à cela la présence en Norvège d’institutions pédagogiques telles que le remarquable conservatoire de Trondheim, dont sont issus nombre de musiciens ayant connu depuis une carrière internationale comme le pianiste Tord Gustavsen, le trompettiste Mathias Eick ou le saxophoniste Trygve Seim.
En Norvège tout n’est pas concentré dans la capitale, Oslo, et des villes telles que Trondheim — justement —, Bergen ou Stavanger sont d’importants viviers musicaux. Cette décentralisation permet une proximité de la musique par rapport au public et aux nouveaux musiciens, lesquels trouvent facilement le moyen d’exprimer leur personnalité propre parce qu’ils
 bénéficient d’un accueil curieux et bienveillant de la part de leurs aînés comme de celle des auditoires auxquels ils proposent leur musique.
Hubro a chois de rendre compte de cette créativité essentiellement juvénile et diversifiée, et c’est quasiment un cas unique en Europe, voire dans le monde.
Un label à découvrir, donc, pour se décloisonner les oreilles et pour le pur plaisir d’entendre des musiques inédites qui déploient des couleurs sonores dignes des aurores boréales.
Max Granvil

A consulter : hubromusic.com



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